Être ou ne pas être chef d’entreprise !

Publié le 19 septembre 2019 Catégorie : Family’s Business, Le monde de l'entreprise

Tout le monde, quel que soit sa catégorie socio-professionnelle, et/ou quel que soit son niveau d’étude, peut devenir chef(fe) d’entreprise. Cependant, je suis intimement convaincue que tout le monde n’est pas fait pour être patron(ne). Certains tempéraments peuvent y arriver avec plus de facilités que d’autres. Être chef(fe) d’entreprise n’est pas une vocation. C’est presque un sacerdoce pour certains(es). Ce n’est pas non plus une question de gènes (le gène du patron n’existe pas encore – sic). Il est demandé aux dirigeants d’être des individus exemplaires surtout lorsqu’ils/elles exercent un pouvoir qu’ils ne partagent pas.

Faisons un état des lieux avant de découvrir l’interview d’un diplômé d’HEC qui nous donnera les tenants et les aboutissants pour tout savoir sur le fait d’être ou ne pas être chef(fe) d’entreprise.

Y a-t-il beaucoup de chefs(fes) d’entreprise ?

 

@Shutterstock
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Avec le statut spécifique des micro-entreprises, de plus en plus de personnes peuvent et veulent prétendre au trône. Il y a beaucoup d’appelés, et peu d’élus sur du long terme… Autrement dit, le nombre de créations d’entreprise a explosé en 2018 avec 691.300 immatriculations selon l’INSEE. 100.000 entreprises de plus qu’en 2017 ! C’est + 28 % pour les micro-entreprises et + 20 % pour les entreprises individuelles classiques. C’est une progression colossale !

Survivront-elles longtemps ?

 

© Stocklib rido
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D’avril 2018 à mars 2019, 54.514 entreprises ont liquidé leur activité par voie judiciaire.

En 2017, 77 % des micro-entreprises fermaient leurs portes dans leurs cinq premières années selon L’Express qui se base sur des chiffres Insee.

L’excellent billet du blog Altares explique très bien la situation économique des petites entreprises en France lorsqu’on sait que, 58.000 à 65.000 entreprises/an subissent des procédures collectives (sauvegardes et redressements judiciaires – Procédures qui permettent à moins de 25 % des entreprises à réussir à stabiliser leur activité et leur gestion après un moment difficile).

Il explique que le nombre de liquidations se maintient. Cependant le nombre de PME de moins de 10 salariés qui déposent une procédure collective explose en 2018. En effet, les PME représentent 94 % des dossiers déposés auprès des Tribunaux de Commerce. Elles voient augmenter leur mise en liquidation avec + 18 %… Avec comme résultat de plus de 40.000 salariés sur les bancs du chômage en plus de leurs dirigeants…

Ils ont quels profils ces chefs(fes) d’entreprise ?

 

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L’âge moyen des créateurs d’entreprises classiques est jeune (36 ans). Celui des entrepreneur(es) en micro-entreprise est très jeune puisqu’en dessous de la trentaine (toujours selon les statistiques 2019 de l’Insee). 4 créateurs d’entreprises individuelles sur 10 seraient des femmes, chiffre stable depuis 2015 alors qu’il progressait régulièrement depuis 30 ans. La micro-entreprise pour les femmes n’a absolument rien changé.

Beaucoup de personnes pensent que c’est facile d’être patron. Ça se saurait si c’était le cas ! Les contraintes, le tempérament et les motivations jouent forcément. Le mieux n’est-il pas d’interviewer un expert dans la direction d’entreprise pour en être certain ?

Alors être ou ne pas être Chef(fe) d’entreprise ?

 

C’est un avocat en droit des affaires qui accompagne souvent des entreprises pour des procédures collectives devant les Tribunaux de Commerce, qui m’a recommandé Bruno Grivet de 1.2.3. Projeille pour répondre à mes questions.

@Grivet Bruno
@Grivet Bruno

Ancien dirigeant d’un groupe agro-alimentaire et diplômé d’HEC, Bruno Grivet a créé son entreprise en 2013 à Saintes en Charente-Maritime. Homme charismatique et posé, il accompagne les dirigeants de TPE en stratégie, gestion financière et management. Il réalise aussi des missions de management de transition dans des entreprises industrielles sur l’hexagone. Parcours que vous pouvez découvrir dans le tout premier invité du blog « Bruno Grivet, homme de contrastes ».

Interview

Les Chroniques d’Adélaïde : Vous êtes un ancien dirigeant de Groupe agro-alimentaire. Pourquoi avez-vous quitté ce job pour créer votre entreprise ?

Bruno Grivet : Lorsque vous êtes cadre sup dans l’industrie, soit vous ne changez jamais d’entreprise, soit vous déménagez toute la famille à chaque évolution de carrière. Sauf si vous habitez en Ile de France. Lorsque mon dernier CDI a pris fin, j’ai calé devant un douzième déménagement. Par ailleurs, j’ai eu envie de mettre mon expérience de dirigeant à la disposition de patrons de TPE-PME qui, par définition, n’ont pas de structure d’encadrement pour les assister.

LCA : Quels sont les profils des entreprises qui vous sollicitent ?

© Stocklib everythingpossible
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Bruno Grivet : Aujourd’hui j’ai deux activités très distinctes. La première, celle pour laquelle j’ai créé l’entreprise 1.2.3 Projeille s’adresse aux TPE-PME, artisans/commerçants jusqu’à 25-30 salariés. Dans la seconde, j’exerce une activité de management de transition qui s’adresse aux entreprises industrielles, en principe de plus de cents salariés. Compte tenu de votre sujet, je vous répondrai au titre de la première activité.

LCA : Pourquoi font-elles appel à vous ?

Bruno Grivet : Sur un malentendu ! Une fois qu’elles ont constaté les limites de leur expert-comptable et que leur banquier leur a fermé la porte, elles cherchent un faiseur de miracles. Leurs dirigeants commencent à prêter l’oreille à ceux qui leur parlent de Bruno Grivet, ou d’un autre qui a aidé untel ou untel à se sortir d’un mauvais pas. Mais dans 95% des cas, c’est trop tard.

LCA : Lorsque vous accompagnez une entreprise en difficulté, quelles en sont les 3 principales raisons ?

Bruno Grivet :

  1. © Stocklib Wavebreak Media Ltd
    © Stocklib Wavebreak Media Ltd

    Le dirigeant n’anticipe pas. Il pilote son entreprise en regardant dans le rétroviseur. Il constate le résultat longtemps après la fin de l’exercice.

  2. Il prête à son comptable des compétences que celui-ci n’a pas.
  3. Il n’a pas, personnellement ou en interne dans l’entreprise, toutes les connaissances/compétences requises pour rattraper un dérapage.

LCA : Intervenez-vous dans les entreprises en bonne santé ?

Bruno Grivet : Jamais ! Un patron de TPE considère généralement qu’il n’a besoin de personne tant que son entreprise fonctionne bien. Il déteste partager la connaissance qu’il en a. Quand les problèmes commencent à arriver, il se cache. Il faut absolument que personne ne sache qu’il a des difficultés. Il ne commence à apparaitre sur les radars des gens susceptibles de l’aider, que quand il est à peu-près déjà dans le mur.

@Shutterstock
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Mon intention au départ, et je pense que ce serait la bonne formule, était d’aider le dirigeant à se constituer un tableau de bord avec quelques indicateurs pertinents pour surveiller le bon fonctionnement de son entreprise. Assurer le suivi de la cohérence avec un prévisionnel établi avant l’exercice. L’aider également à identifier, en période calme, les quelques leviers dont l’efficacité aura été testée, à actionner en cas de turbulence.

LCA : Pensez-vous qu’on puisse être naturellement un leader ou que certaines personnes soient plus faites que d’autres pour être patron et pourquoi ?

@Shutterstock
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Bruno Grivet : Je distinguerais le leader du manager. Le leadership est une qualité qui peut se révéler puis disparaitre en fonction des circonstances, de l’environnement, de la nature des situations. Un leader performant en temps de crise peut se révéler complètement inefficient en période calme. Le management est une fonction qu’il faut assumer coûte que coûte, quelles que soient les circonstances. Dans certaines limites, je dirais que le leadership est inné, quand le management s’apprend. Pour être patron, il n’est pas nécessaire d’être leader mais il est indispensable d’être manager. Un bon manager sait utiliser les capacités de leadership de ses collaborateurs en fonction des situations et des besoins.

LCA : Quelles sont, selon vous, les 5 qualités pour être chef d’entreprise ?

Bruno Grivet :

  1. Avoir une vision
  2. Anticiper
  3. Apprendre de ses échecs
  4. Savoir déléguer
  5. Savoir s’entourer

LCA : Quelles sont les 5 défauts à ne pas avoir ?

Bruno Grivet :

  1. Rester seul pour penser le pilotage. Ce qui revient à penser qu’on est plus malin tout seul qu’à plusieurs !
  2. S’imaginer devoir être le plus compétent dans toutes les fonctions de son entreprise. Ce qui amène au comportement suivant : « j’embauche des brêles pour être sûr de rester le meilleur ».
  3. Laisser l’empirisme prendre le dessus (« on a toujours fait comme ça »).
  4. Se croire indispensable en toute circonstance.
  5. Refuser la critique.

LCA : Des études spécifiques sont-elles nécessaires pour diriger une entreprise ?

Bruno Grivet : Si vous voulez être dirigeant salarié d’une entreprise, oui indiscutablement. N’oublions pas que dans notre pays, la première qualité que l’on regarde chez un dirigeant de 55 ans, c’est l’école qu’il a intégrée quand il en avait 20. Mais ce n’est pas le cas de figure qui nous préoccupe ici. Penchons-nous sur le cas du patron créateur, repreneur ou, plus délicat, héritier.

© Stocklib Michael Simons
© Stocklib Michael Simons

Tout d’abord, je crois que tout le monde ne peut pas être patron d’entreprise, mais chacun peut être appelé à le devenir en fonction des circonstances de la vie. Le point de départ varie d’un individu à l’autre. La compétence étant la somme des connaissances et de l’expérience, je ne pense pas qu’une formation spécifique soit appropriée pour devenir dirigeant. Chacun doit évaluer la nature de sa compétence puis la compléter en fonction des lacunes et des besoins.

LCA : Recommandez-vous des études/formations aux artisans/commerçants/professions libérales pour une direction d’entreprise aisée/facile et pourquoi ?

@Grivet Bruno
@Grivet Bruno

Bruno Grivet : Autant je ne crois pas à une formation initiale unique, autant je suis convaincu de la nécessité de se former tout au long de sa vie professionnelle. C’est encore plus vrai pour tous ceux qui ont un devoir de gouvernance, donc notamment les dirigeants de TPE. Mon expérience est que le choix d’une formation adaptée est souvent le fruit d’échanges entre pairs. Je recommande vivement la fréquentation du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise) puis de l’APM (un réseau de chefs(fes) d’entreprise) qui sont des lieux d’excellence pour la formation et le développement personnel, la réflexion collective et l’expérimentation partagée. J’invite également les patrons à être attentifs à toute l’excellente production française de MOOC qui donnent aujourd’hui un accès facile à une grande variété d’apprentissages qu’il était difficile de suivre il y a encore 10 ans en dehors des circuits universitaires. Je citerai France Université Numérique, Openclassrooms ou Coursera. Ne dites pas « ce n’est pas pour moi ! », allez voir.

LCA : Une micro-entreprise est-elle, selon vous, une entreprise comme les autres et pourquoi ?

Bruno Grivet : Non, ce n’est pas une entreprise comme les autres, car elle n’a pas de réelle perspective de croissance. Elle est bien adaptée pour apporter un complément de revenu à un salarié qui dispose de temps libre. C’est par ailleurs une bonne opportunité pour tester un projet qui aboutira, ou non, à la création d’une véritable entreprise. Mais dans la durée, elle présente plus d’inconvénients que d’avantages pour son créateur comme pour ses clients.

© Stocklib Vasyl Dolmatov
© Stocklib Vasyl Dolmatov

LCA : Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) futur(e) entrepreneur(e) pour devenir un bon dirigeant ?

Bruno Grivet : Il ne doit négliger aucune des composantes du management, à savoir : Diriger – Organiser – Communiquer – Motiver – Gérer les compétences – Être exemplaire.

LCA : Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) chef(fe) d’entreprise pour être un chef d’entreprise heureux(se) ?

Bruno Grivet : Prendre le contrepied de ce que nous sommes en train de faire : Ce doit être la première question à se poser et non la dernière. Pour bien orienter sa vie professionnelle, il vaut mieux savoir d’abord ce que l’on attend de la vie au sens large.

@Shutterstock
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Imaginons Monsieur et Madame Duchmoll. Jeune couple de 25 ans, ils décident de ne pas avoir d’enfant car ils estiment qu’ils n’auront pas le temps de s’en occuper. En effet, leur désir est de créer une entreprise à laquelle ils consacreront l’essentiel de leur vie, que ce soit en y étant physiquement ou pour réfléchir aux problèmes rencontrés. Ils comptent que cela représentera 15 heures par jour, 365 jours par an. Ceci afin de lui assurer les chances maximums de croissance et de pérennité.

C’est leur choix et il est tout à fait légitime. Mais franchement, quel pourcentage de la population entre 20 et 30 ans souhaiterait formuler aussi crûment un projet de vie de ce type ? Disons 5 %. Regardons maintenant parmi les artisans/commerçants que nous connaissons. Combien vivent les conditions énoncées par Monsieur et Madame Duchmoll ? 80% ? Trouvez l’erreur !

© Stocklib Galina Peshkova
© Stocklib Galina Peshkova

 La plupart d’entre nous avons commencé par apprendre un métier. Puis nous avons essayé d’y faire coller nos aspirations. C’est l’inverse qu’il faut faire. Les dirigeants du CAC 40 le savent mieux que quiconque : une stratégie ne vaut que si elle répond au souhait intime de l’actionnaire. Cela doit être vrai pour les TPE.

Qu’est-ce que j’attends de l’entreprise que je crée et que je dirige ?

  • Transmettre un patrimoine à mes enfants ?
  • Partir deux mois par an dans les îles ?
  • Absorber tous les concurrents dans un rayon de 150 km ?
  • Faire une belle plus-value à la revente pour assurer ma retraite ?
  • Financer une belle maison avec piscine ?
© Stocklib Roman Samborskyi
© Stocklib Roman Samborskyi

Tout le monde n’aura pas la même réponse, mais elles sont toutes légitimes. Se poser la question et trouver la réponse, c’est se donner la motivation et les moyens de piloter son entreprise en regardant vers l’avenir.

 

 

Pour contacter Bruno Grivet en un clic : 1.2.3. Projeille

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A propos de l’auteure

Fille d’un artisan-expert judiciaire, puis chef d’entreprise à mon tour, j’ai décidé de quitter le nid familial pour voler de mes propres ailes. J’ai alors œuvré dans le 1er groupe de presse français pendant 15 années. La filiale dans laquelle je travaillais a fermé ses portes après plus de 40 ans d’existence. D’un malheur est né un rêve. Je me suis alors inscrite dans une célèbre école de journalisme. Et mon diplôme d’attachée de presse en poche… Me voici…

Vous allez découvrir que je suis spontanée, capricieuse, espiègle, malicieuse faut-il croire, rêveuse sûrement, contemplative absolument, timide beaucoup et agaçante semblerait-il, sans aucun doute, pour certains…

Ce sont assurément pour toutes ces raisons, qu’il vaut mieux que j’écrive, c’est encore là que je reste la plus mignonne… Quoique !

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