Guide de la Formation Professionnelle : avenir et évolution de nos métiers !

Publié le 12 octobre 2021 Catégorie : Family’s Business, Le monde de l'entreprise

Après le focus fait sur la formation professionnelle dans les entreprises, dans mon billet « Formation professionnelle : Former pour gagner de l’argent » où vous avez découvert les différentes raisons pour lesquelles nous devrions nous former, former nos salariés, pourquoi, comment et ce que cela nous coûte, découvrons-en un peu plus sur ce monde qu’est la Forma Pro. Pour se faire, mon invité est un homme remarquable bardé de diplômes de la Sorbonne, de HEC et de l’Institut Français de Gestion. Véritable puits de science côté formation (microcosme dans lequel il navigue depuis plus de 20 ans), Frédéric DESANDRIEUX a un parcours exceptionnel entre gestion d’un OPCO, direction de différents centres de formations et la vraie vie. Aujourd’hui, patron de l’IFRB Poitou-Charentes (l’Institut de Formation et de Recherche du Bâtiment), il forme l’élite du Bâtiment et répond à mes questions…

Interview

Les Chroniques d’Adélaïde : Frédéric, tu connais particulièrement bien le monde de la formation, d’ailleurs, tu dirigeais un OPCO. Aujourd’hui, tu es à la tête d’un centre de formations. Succinctement, peux-tu nous parler de ces deux mondes qui s’entrechoquent ?

Frédéric Désandrieux
Frédéric Désandrieux

Frédéric Désandrieux : Ces deux mondes, dans la réalité, travaillent ensemble car monter une formation efficace et accessible aujourd’hui nécessite à la fois une bonne connaissance de l’entreprise, de ses besoins et des possibilités de financement.

L’Opco est piloté par la branche professionnelle (exemple : le Bâtiment) et les syndicats professionnels afin de s’assurer de l’adaptation aux réalités des entreprises. Les branches professionnelles président aussi souvent des organismes de formation. Un bon organisme de formation doit posséder des compétences en financement et travailler étroitement avec l’Opco.

LCA : Très souvent les PTE-PME ne connaissent pas le système de la formation continue et elles ont l’impression d’avoir en face d’elles une grosse machine complexe. Peux-tu nous expliquer grosso modo, comment fonctionnent un centre de formations avec ses clients ?

Istock @fizkes
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Frédéric Désandrieux : Face à un organisme de formation une TPE PME doit se comporter comme avec un fournisseur classique. Pour monter une bonne formation, parlez-lui des difficultés rencontrées sur le terrain par vos équipes ou vous-même, et de vos projets. Son métier est de transformer tout cela en formation. La formation n’est qu’un outil ! Tout doit partir de l’entreprise et l’entreprise doit évaluer le résultat de la formation. Bien sûr que c’est complexe mais tout cela doit être, au maximum, géré par le centre de formation.

LCA : Pourquoi faut-il former ses salariés ?

Frédéric Désandrieux : Il peut y avoir des tas de raisons mais j’en citerai trois essentielles aujourd’hui :

  1. Pour continuer à exister et pour faire la différence avec les concurrents !
Istock @m-imagephotography
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Une entreprise performante est une entreprise qui apporte un plus à ses clients en créant rapidement des produits adaptés et rentables à des prix compétitifs. Et pour faire cela, pas de secret : il faut développer sa capacité à agir vite, avec qualité, innover et savoir mieux que les autres travailler en équipe. Un Dirigeant est souvent fier de son dernier investissement matériel qui va lui faire gagner du temps et donc de l’argent mais cette différence-là s’amenuise de plus en plus ! Les économies possibles dans les achats aussi. Les gains ont été faits sur ces points de gestion. C’est pourquoi il faut trouver d’autres solutions. La principale est de rendre nos salariés efficaces, curieux, adaptables, les aider à posséder un savoir-faire au goût du jour.

  1. Votre compétence technique a une durée de vie de deux ans contre 20 ans dans les années 70 !
Istock @piolka
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Cela donne à réfléchir non ? 60 % des métiers qui existeront dans 10 ans n’existent pas aujourd’hui ! 50 % des métiers vont être transformés d’ici 5 ans ! Alors il est de la responsabilité partagée des entreprises et des salariés de se former. Être compétent aujourd’hui et demain, c’est comme un sportif de haut niveau ! Il faut s’entrainer et apprendre tous les jours … Ou presque. Sans cela l’entreprise ne peut faire mieux et le salarié n’a pas « l’employabilité » nécessaire sur le marché de l’emploi.

  1. Être meilleur que les autres pour une entreprise c’est surtout apprendre à coopérer, travailler en équipe, en réseau.
Istock @Vasyl Dolmatov
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Et contrairement à ce que l’on peut penser, cela s’apprend et cela se travaille au quotidien. On ne pense pas assez souvent à ces « soft skills » et pourtant tous les experts et l’expérience terrain démontrent leur importance !

 

LCA : Pourquoi faut-il se former en tant que dirigeant ?

Frédéric Désandrieux :

  1. Pour anticiper l’avenir tout d’abord.
Istock @NADOFOTOS
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Un Dirigeant c’est avant tout celui qui est capable de dire clairement où l’entreprise et l’équipe doivent aller, ce qui peut être améliorer dans les pratiques et pourquoi ? Alors bien sûr, il ne saura jamais tout mais il doit saisir et comprendre les évolutions, savoir poser un problème et le résoudre avec ses équipes et… bien d’autres choses encore, mais ces capacités de veille et d’anticipation sont essentielles. Imaginez un Capitaine de bateau qui ne saurait pas clairement dire où il veut aller et comment ! Cela ne serait pas très rassurant pour ses passagers !

  1. Pour « prendre l’air », échanger… penser…
Istock @Ridofranz
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L’Entrepreneur, le Responsable doit savoir prendre du recul, avoir une vision globale. Or, la réalité d’un Dirigeant de TPE PME, c’est d’avoir « la tête dans le guidon » par la force des choses puisque souvent c’est un « homme-orchestre » ! Alors voir comment les choses se passent ailleurs, réfléchir à son organisation, apprendre à voir les choses différemment sont des facteurs clefs de succès. Les Fédérations professionnels, les clubs, les formations sont pour cela des lieux essentiels….

  1. Apprendre son métier de Dirigeant notamment en travaillant des compétences de management, de pilotage, de capacités à créer les conditions pour que les autres puissent bien travailler en y prenant plaisir….
Istock @Creative Credit
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Et tout cela ne s’improvise pas notamment quand on a peu de temps ou que le « gros temps » (les difficultés) arrive ! Et bien sûr, maitriser les fondamentaux de la finance, du marketing, des Ressources Humaines, du juridique…. Le travail d’une vie !

LCA : Quelles sont les différences entre des formations courtes et des formations qualifiantes ?

 

Istock @digitalskillet
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Frédéric Désandrieux : Tout dépend des objectifs ! Schématiquement, on peut dire que : si on a besoin de s’améliorer sur un point technique précis et en même temps d’échanger avec ses pairs, la formation Inter Entreprise courte est la solution. Si par contre on souhaite faire évoluer globalement ses façons de faire, de penser, de progresser dans la maîtrise de son Métier, et en plus valoriser ces nouvelles compétences, prenons une formation diplômante et ou certifiante. Sur une année (ou plus), on va pouvoir apprendre tout en continuant à travailler. Là, l’efficacité peut être maximum et c’est compatible avec l’exercice professionnel ! Et si on se dit qu’ensemble, entre collègues, on aurait besoin de progresser sur un point précis et créer des choses spécifiques à notre entreprise, alors la formation sur mesure permet d’être meilleur collectivement et d’être mieux dans son travail !

LCA : Quelle est la différence entre les diplômes d’Études supérieures du Ministère de l’Éducation et les titres pros et pourquoi choisir un titre professionnel reconnu RNCP (Répertoire Nationale des Certifications Professionnelles) ?

Istock @LanaStock
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Frédéric Désandrieux : Il existe trois types d’évaluation qui permettent en France de reconnaitre des compétences.

  1. Les Diplômes des grandes écoles ou de l’Education nationale du CAP au Master.
  2. Les Certifications du Ministère du Travail qui valident et reconnaissent des niveaux équivalents aux Diplômes (de niveau 1 à 7). Le fameux RNCP souvent avec une pédagogie plus professionnalisante.
  3. Les CQP (Certificats de Qualification Professionnelle) qui reconnaissent des compétences spécifiques à chaque Branche professionnelle et qui ont de la valeur uniquement dans cette Branche. Créées par les branches professionnelles, elles sont la plupart du temps, un bon levier de progression dans son secteur.
  4. Pour être complet il existe aussi les « Diplômes d’Ecole » qui n’ont de valeur que par la notoriété de l’Ecole.

Et pour finir il est à noter qu’aujourd’hui, on peut passer des Certifications par Blocs de Compétences ce qui permet d’obtenir une validation par étapes successives en prenant son temps.

LCA : Selon ton expérience, à quoi peut servir la formation professionnelle au sein d’une entreprise ? Quelle serait une bonne pratique de formation professionnelle au sein d’une entreprise

Istock @dragana991
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Frédéric Désandrieux : Au risque de choquer mon expérience m’amène à répondre : A « Revenir aux méthodes fondamentales », aux « pratiques de nos anciens ». Travailler sur la compétence et ne pas viser seulement la formation. Nos grands et arrières grands parents se formaient continuellement, le compagnonnage en est le meilleur exemple. Ils avaient compris qu’apprendre, c’est s’informer, échanger, pratiquer, « remettre son métier sur l’ouvrage » en permanence. Nous l’avons peut-être un peu oublié avec la possibilité d’envoyer les personnes en formation.

Istock @shironosov
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Dans ce sens la formation est un outil qui appartient conjointement aux salariés et aux entreprises, qui s’exerce, se pratique et s’évalue dans l’entreprise. Former son collaborateur, ce n’est pas « se dédouaner » en l’envoyant en formation et en espérant que tout change à son retour, mais s’investir avant, pendant et après ! Ce n’est pas, non plus, penser qu’on apprend uniquement par la pratique ou seulement par la théorie, c’est une subtile alchimie.

Chacun doit s’impliquer dans le développement des compétences et l’entreprise doit devenir un lieu où on apprend en faisant.

Istock @monkeybusinessimages
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La récente Réforme de la formation le permet et porte cette ambition. On peut, par exemple, faire des AFEST (Actions de Formation en Situation de Travail). Oui, on apprend vraiment en travaillant sans forcément aller en formation, si les conditions d’apprentissage ont été réunies ! C’est là l’un des nouveaux rôles des organismes de formation.

 LCA : Des salariés et des patrons ont-ils débriefé avec toi après une formation ? Qu’est-ce que cela leur a apporté ?

Istock @Ridofranz
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Frédéric Désandrieux : Débriefer est fondamental ! On n’apprend pas sans débriefer. Après tout c’est logique, apprendre est une chose ; intégrer et appliquer en est une autre. J’ai envie de vous parler de Lucas , Cadre dans le Bâtiment, il débriefe sa formation d’animation de réunion. Il a appris à faire, il connait les techniques. Après le débriefing, il connait les applications qu’il doit faire sans quoi sa formation n’aura servi à rien, il l’oubliera. Il identifie ses points de progrès personnels, les objectifs qu’il doit fixer à sa pratique, il sait demander du soutien à son manager. Chacun dans l’entreprise a pu voir les impacts de sa formation et son équipe l’a même aidé et soutenu. Il a pu mesurer le retour sur investissement concret de sa formation. Son responsable visualise concrètement les bénéfices de la formation tout en en ayant fixé lui-même les résultats attendus. Il demande à Lucas de mettre en place un plan d’actions pour améliorer la qualité des réunions dans l’entreprise. Cela a un impact global important sur le temps passé en réunion et sur l’efficacité de ces temps collectifs.

 LCA : Penses-tu que la formation professionnelle va jouer un rôle important dans la fidélisation des salariés dans les années à venir ? Si oui, pourquoi ?

Frédéric Désandrieux : la fidélisation va, en tout cas, être au cœur du développement des entreprises face aux pénuries croissantes de compétences, à la pyramide des âges et surtout aux attentes des jeunes générations qui, pour être fidèles, demandent qu’on leur « apporte des preuves d’amour » et pas seulement des promesses !

Istock @FlamingoImages
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Cela commence dès le début de la relation par ce qu’on appelle le « On Boarding » (l’intégration de la personne), se continue par la construction d’un parcours de développement pour les années à venir, des certifications, un accompagnement managérial quotidien, des valorisations, des évaluations…

La formation, on le voit bien, n’est qu’un outil au service d’un objectif et dans la fidélisation on peut utiliser toute la palette formation.

 Et là encore, utiliser simplement un outil seul déconnecté du reste ne sert à rien !

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Combien d’entreprises ont formé leurs collaborateurs pour qu’ils s’en aillent ensuite ? On peut critiquer ces comportements, mais la vraie question reste : comment faire pour que cela ne se reproduise pas ?! Une véritable réflexion management et formation est au fondement de la réussite d’une politique de fidélisation.

 LCA : La crise économique qui se dessine va-t-elle développer l’usage de la formation professionnelle ? Si oui, va-t-elle permettre de sauver certaines entreprises ?

Frédéric Désandrieux
Frédéric Désandrieux

Frédéric Désandrieux : Une crise est selon son étymologie à la fois une opportunité et une menace ! Il y aura toujours ceux qui préfèreront se protéger et rester immobile en attendant des temps meilleurs, et ceux qui identifient ce qui va changer, en profiteront pour préparer les compétences individuelles et collectives de demain dans leur secteur et sur leur marché.

 Il y a peu de chance que « faire le gros dos » ou reproduire les mêmes comportements face un environnement changeant amène à performer après la crise. On voit bien de quel côté seront les gagnants !

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Pour en savoir plus sur l’IFRB Poitou-Charentes en un clic : www.ifrbpoitoucharentes.fr

 

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A propos de l’auteure

Fille d’un artisan-expert judiciaire, puis chef d’entreprise à mon tour, j’ai décidé de quitter le nid familial pour voler de mes propres ailes. J’ai alors œuvré dans le 1er groupe de presse français pendant 15 années. La filiale dans laquelle je travaillais a fermé ses portes après plus de 40 ans d’existence. D’un malheur est né un rêve. Je me suis alors inscrite dans une célèbre école de journalisme. Et mon diplôme d’attachée de presse en poche… Me voici…

Vous allez découvrir que je suis spontanée, capricieuse, espiègle, malicieuse faut-il croire, rêveuse sûrement, contemplative absolument, timide beaucoup et agaçante semblerait-il, sans aucun doute, pour certains…

Ce sont assurément pour toutes ces raisons, qu’il vaut mieux que j’écrive, c’est encore là que je reste la plus mignonne… Quoique !

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