Si Noël m’était conté…

Publié le 24 décembre 2017 - Chroniqueur : Nicolas Messner

France

Il fait nuit et en quelques minutes, de timides flocons viennent blanchir les pavés de la Place Kléber à Strasbourg. Les passants ralentissent le pas. Surtout ne pas glisser. De leurs pieds, ils dessinent dans le fin duvet blanc une peinture monochrome abstraite. Il ne faut pas plus de temps pour que l’oeuvre d’art éphémère s’évanouisse et que le sol humide se mette à scintiller, et à clignoter à la folie. Du rouge, du vert, du bleu, du violet… l’arc-en-ciel de lumières artificielles est à la fête… la fête de Noël.

D5N_9581On peut évidemment critiquer une telle débauche d’énergie. On peut râler après notre société consumériste. Mais, pour moi le mois de décembre en Alsace reste et restera toujours un moment à part, un moment de joie et de plaisir.

_DSC3711J’ai été bercé aux chants de Noël, j’ai grandi dans l’attente chaque année renouvelée, de me promener dans les allées du Christkindelsmärik (le marché de l’enfant Jésus à Strasbourg). Quand j’étais enfant, ma soeur et moi nous réjouissions quand décembre ouvrait ses portes, car nous savions que nous aurions droit à notre barba-papa et notre overdose _DSC3464de sucre. Plus tard se serait une gaufre au chocolat et encore plus tard un verre de vin chaud. Je suis passé du monde de l’enfance à celui des adultes en m’enivrant des senteurs colorées des petites cabanes qui jalonnent le marché de la place Broglie, dans le centre ville.

Alors ne me demandez pas de critiquer quoique ce soit. Ne me demandez pas d’être impartial. Je ne le suis pas et j’en suis fier.

_DSC3246Le Marché de Noël de Strasbourg remonte à des temps immémoriaux, lorsque la ville construisait sa cathédrale et que l’Alsace était sillonnée par des preux chevaliers au glaive impétueux. Si aujourd’hui il y a sans doute du ‘made in China’ dans le bric-a-brac qui est en vente, il persiste une ambiance à part, entretenue par toute la population. En Alsace, on aime Noël et on le fait savoir. Au-delà de la dimension religieuse, c’est le vivre ensemble et l’appartenance à une communauté de valeurs qui animent les habitants et les millions de visiteurs qui laissent leurs empruntes éphémères dans la neige de la place Kléber.

D5N_9400Je n’ai pas toujours connu le grand sapin qui trône dans un angle de celle-ci. Il n’a pas toujours fait partie de la tradition, pourtant il est aujourd’hui devenu un incontournable. Chaque année il est commenté, disséqué, analysé, critiqué, admiré: ‘Oh, mais il est plus petit que d’habitude’ ; ‘Non, il est plus grand, je vous dis!’ ; « J’aime les couleurs de ses décorations cette année’ ; ‘Ils auraient pu faire un petit effort quand même’ ; ‘Quelle majesté !’ ; ‘Vous ne trouvez pas qu’il penche un peu?’… Pourtant ce que j’entends le plus en me promenant autour du grand arbre, ce sont les ‘Oh’ et les ‘Ah’. Tout le monde veut lui tirer le portrait et surtout tout le monde veut se tirer le portrait au pied du tronc gigantesque, du coup les cannes à ‘selfies’ sont de sortie et s’agitent dans le ciel strasbourgeois.

_DSC3483En 2017, il faut bien dire que le grand sapin a une histoire singulière. Un premier arbre fraîchement coupé dans les Vosges, se cassa lors de sa mise en place. Un second fut appelé à la rescousse. Pas plus chanceux, après quelques jours, il montrait déjà des signes de faiblesse. Sans doute, sa forêt lointaine lui manquait-elle. C’est finalement le troisième spécimen qui étend ses branches aujourd’hui face à la statue du général de Napoleon, fier et majestueux comme un empereur… même si légèrement penché – je parle ici du sapin. Mais n’est-ce pas cela qui en fait le charme ?

D5N_9774Fraîchement arrivé à Strasbourg, je suis allé directement le voir comme on irait voir un vieux pote que l’on n’a pas vue depuis des lustres. Je suis également allé au sens propre me plonger dans la marée humaine de la place Broglie. Inspirez un bon coup, fermez les yeux et plongez dans la foule. Vous n’avez plus qu’à vous laisser porter par le flot continu de badauds. Vous ne pouvez pas couler. Ils vous portent d’un côté à l’autre des allées, d’un étal au suivant, d’un vendeur de braedele (les petits gâteaux de _DSC3524Noël alsaciens) à un vendeur de boules de Noël et de santons de Provence. Si vous n’aimez pas cela, abstenez vous, car vous risquez de frôler l’indigestion. Mais franchement, au moins une fois dans l’année, ce petit moment de natation en eau humaine, vous réconcilie avec l’art de vivre ensemble.

_DSC3448A quelques rues de là, la Grand Dame de Strasbourg domine de ses 142 mètres un autre pan du marché de Noël consacré à l’artisanat et au vin chaud. Il faut bien se couvrir, car madame a les pieds venteux, mais une fois de plus, oubliez que vous êtes des adultes réfléchis, redevenez des enfants, et déambulez dans les rues alentours. Émerveillez-vous devant les décorations des façades. Arrêtez-vous devant la pâtisserie ‘chez Christian’. Après avoir goûté les pâtissiers alléchantes qui s’étalent dans la vitrine, si vous aviez encore faim, dévorez des yeux le fronton de l’immeuble. Un joyau D5N_9444un peu kitsch mais néanmoins magnifique. Un peu plus loin, immergez-vous encore un peu plus dans la foule inimaginable de la rue des orfèvres. Tournez dans les minuscules ruelles et levez les yeux vers les décorations incroyables du restaurant ‘Le Clou’ ou de celles de ‘chez Yvonne’.

_DSC3242Je pourrais encore vous parler de la Place du Chateau, le long de la Cathédrale, de la Rue des Marocains, de la Petite France et j’en oublie. Je pourrais aussi vous dire qu’il ne faut pas oublier de sortir de la ville pour aller à Colmar, à Mulhouse, à Haguenau, à Obernai… afin de découvrir ces autres marchés de Noël qui font la renommée de l’Alsace.

_DSC3676Entre deux voyages, je n’ai pu passer que quelques jours en Alsace et je n’ai pas eu le temps de faire le tour de tous ces lieux de célébration. Mais j’ai fait le plein de lumières et d’envie de se retrouver. J’ai humé les effluves douces et sucrées qui planent sur la ville. J’ai emmagasiné de l’énergie en sirotant une bière de Noël dans une bierstub traditionnelle. Je me suis gavé de plats roboratifs de ma région, parfaits pour affronter le froid de l’hiver.

_DSC3410Vivre Strasbourg, Capitale de Noël, c’est avant tout retomber en enfance et être en mesure d’utiliser tous ses sens. C’est ne pas être effrayé d’avoir un peu froid, car nous sommes en décembre tout de même, mais c’est aussi la garantie de pouvoir se réchauffer de mille façons différentes. Vivre Strasbourg, Capitale de Noël, c’est un peu s’oublier soi, pour se tourner vers les autres. C’est partager et ne pas avoir peur de donner. C’est faire remonter à la surface ses souvenirs, des joies, des petits plaisirs de la vie. Vivre Strasbourg, Capitale de Noël, c’est une bonne excuse pour découvrir une ville au multiples facettes qui vous emmènera des pieds D5N_9746de la Cathédrale, quasi millénaire, aux institutions européennes ultra-modernes. C’est se laisser guider par les flots de l’Ill qui baigne l’hypercentre et les flots humains qui se déversent sur la ville tout au long du mois. Vivre Strasbourg, Capitale de Noël, c’est tout simplement vivre.

A propos de l’auteure

Fille d’un artisan-expert judiciaire, puis chef d’entreprise à mon tour, j’ai décidé de quitter le nid familial pour voler de mes propres ailes. J’ai alors œuvré dans le 1er groupe de presse français pendant 15 années. La filiale dans laquelle je travaillais a fermé ses portes après plus de 40 ans d’existence. D’un malheur est né un rêve. Je me suis alors inscrite dans une célèbre école de journalisme. Et mon diplôme d’attachée de presse en poche… Me voici…

Vous allez découvrir que je suis spontanée, capricieuse, espiègle, malicieuse faut-il croire, rêveuse sûrement, contemplative absolument, timide beaucoup et agaçante semblerait-il, sans aucun doute, pour certains…

Ce sont assurément pour toutes ces raisons, qu’il vaut mieux que j’écrive, c’est encore là que je reste la plus mignonne… Quoique !

Contactez-moi !

error: Content is protected !!