Iran : au-delà des préjugés !

Publié le 22 mai 2018 - Chroniqueur : Nicolas Messner

Que n’ai-je entendu : l’Iran, c’est dangereux, il y a la guerre, ce n’est pas très raisonnable d’y aller, ou encore, c’est un pays qui fait peur, une contrée de l’extrême ! Mais je suis quelqu’un de têtu et surtout de curieux, alors dès lors que j’ai eu la possibilité de me rendre dans ce pays, pas si lointain que cela, puisqu’il faut à peine plus de cinq heures de vol depuis les grands aéroports européens, j’ai sauté sur l’occasion. Je dois bien dire que je n’ai pas été déçu ; et encore, dire ‘ne pas avoir été déçu’ s’apparente ici à un doux euphémisme vu l’accueil qui m’a été réservé et surtout vu ce que j’ai appris au contact d’un peuple adorable et d’un pays fascinant.

A la décharge de ceux qui avaient une appréhension à me voir partir, il faut bien dire que l’Iran bénéficie d’une image internationale passablement dégradée. Il n’était donc pas facile de boucler mes valises sans y enfermer quelques-uns de ces préjugés que les médias nous servent à longueur de journée et que nous reprenons souvent à notre compte alors que nous n’avons ni vu, ni entendu, et encore moins ressenti l’âme d’un pays. Mais au diable la politique et les stratégies internationales dont souffrent les peuples. Ce qui m’intéressait c’était de connaître, de savoir et d’apprendre, et dans ce domaine de l’ouverture aux autres j’ai été comblé au-delà de toute espérance.

L'Iran vue du ciel
L’Iran vue du ciel

L’Iran fait partie de ces pays qui ne vous laissent pas indifférent. Tout le monde en a entendu parler au moins une fois dans sa vie et soyons honnêtes, c’est rarement positif. Pourtant plusieurs éléments ne m’ont pas fait hésiter longtemps avant de prendre mon billet direction Téhéran, Ispahan ou Mashhad. Il y a environ deux ans déjà, de retour d’Océanie, j’avais pu survoler le Royaume des Aryens (éthologie de Iran) et je n’étais pas parvenu à décrocher mon regard de ses étendues à la fois désertiques et montagneuses d’une beauté sauvage. Paradoxalement j’avais pu faire des images magnifiques de l’Iran, sans jamais y avoir mis les pieds. Je m’étais promis un jour d’en fouler le sol. C’est chose faite.

A moins de 100km de Téhéran, un complexe hôtelier trônait dans ce paysage magnifique avant qu'il ne soit détruit pendant la guerre.
A moins de 100km de Téhéran, un complexe hôtelier trônait dans ce paysage magnifique avant qu’il ne soit détruit pendant la guerre.

Plus encore, en y réfléchissant bien, je me rendis compte qu’au cours de ma vie, j’avais déjà eu de nombreux contacts avec le peuple iranien et tous, sans exception, avaient été ou étaient incroyablement chaleureux : que ce soit une secrétaire, descendante de princesse iranienne, de l’Université de Strasbourg lorsque j’étais étudiant, un voisin de mes parents dont le regard s’illumina quand je lui dis que je partais pour Téhéran, ou bien Mohammed, le président de la fédération de judo que je côtoie régulièrement sur le circuit international, ou encore mon amie Nona qui m’avait indiqué les incontournables de son pays natal et qui tout au long de mon périple m’accompagna à distance grâce à ses commentaires avisés et son analyse d’une grande justesse sur ce que je venais de vivre au cours de chaque journée de mon périple.

Femme de Téhéran
Femme de Téhéran

Après des mois de préparation, je partis donc mi-avril, tiraillé entre ces foutus préjugés et une indicible envie de me faire ma propre idée. Je ne vais pas vous raconter d’histoires et encore moins des contes de fées. Il y a des choses dans cette Perse moderne, qui, depuis la révolution islamique, sont à mille lieues de ma culture française et de mon amour pour les droits de l’homme et surtout pour ceux de la femme. Ce ne serait pas rendre justice à Cyrus le Grand, Roi de la Perse millénaire, qui avait fait graver les droits de l’homme sur un cylindre d’argile, il y a 25 siècles, de ne pas le mentionner. Pour ne prendre que l’exemple le plus évident et qui vous saute véritablement à la gueule dès lors que les roues de l’avion se posent sur le tarmac de l’aéroport de Téhéran ; je ne pourrai jamais adhérer à l’obligation qui est faite à la gente féminine de se couvrir la tête sous peine de se voir au mieux verbaliser et au pire jetée au fond d’une prison. Cela dépasse l’entendement, mon entendement et surtout ma conception d’une société juste et égalitaire.

Jeune Iranienne
Jeune Iranienne

Cela dit, je parle ici d’une ‘certaine’ culture iranienne, qui est une culture contemporaine issue de la révolution islamique de 1979. Cette obligation de se couvrir pour les femmes n’a pas toujours été, ce fut même le contraire en des temps pas si lointains, et je serais prêt à prendre le pari qu’elle ne sera pas frappée du label ‘ad vitam aeternam’, pour toujours. Il est particulièrement intéressant de noter que bon nombre de femmes iraniennes, spécialement dans les grands villes, ont développé une grande capacité à utiliser la contrainte en la détournant à des fins de révolte à peine dissimulée contre l’oppression masculine sous couvert de mode vestimentaire. J’ai croisé une jeune femme qui a le voile en horreur mais qui le porte parce que c’est ainsi. J’en ai rencontré une autre pour qui le chador est une nécessité et un besoin, mais qui aimerait que les femmes soient libres de choisir. J’ai vu des femmes en noir et d’autre éminemment colorées, certaines dont pas un cheveux ne dépassait et d’autres qui s’évertuaient à en montrer autant que possible. La prochaine révolution sera-t-elle féminine ?

Jeune fille à Bojnourd
Jeune fille à Bojnourd

Mais la loi étant la loi et ne souhaitant pas me poser ici en juge, mais en simple observateur, avisé je l’espère, je peux juste vous dire que les femmes iraniennes sont magnifiques et cette beauté là n’est pas légendaire. Si les relations avec les hommes sont parfois un peu ‘étranges’, empreintes d’une ambiguïté que j’ai eu beaucoup de mal à décrypter au début de mon séjour, comme si une crainte mutuelle s’était instaurée entre elles et eux, j’ai aussi vu des sourires, discrets, des rires aux éclats, francs, des mains qui se frôlent le soir dans un parc mal éclairé, dissimulées, des jeunes étudiants jouant à la balançoire auréolés de leur insouciance post-adolescente, hilarants et naturels.

Vieille femme à Mashhad
Vieille femme à Mashhad

J’ai vu les foules se recueillir avec calme et dignité autour du Mausolée de l’Imam Reza à Mashhad. J’ai vu des femmes au volant, des femmes au travail, des femmes qui ont le droit de vote et qui ont aussi et beaucoup leur mot à dire dans la vie quotidienne. J’ai vu un monde qui n’est pas le mien mais que j’ai respecté pour ce qu’il est. Vous me direz que tout cela est bien la moindre des choses. Oui en effet, mais est-ce vraiment l’image de l’Iran que nous avons ?

Pause thé quelques heures après mon arrivée. Le thé est la boisson nationale.
Pause thé quelques heures après mon arrivée. Le thé est la boisson nationale.

En deux semaines, une franche liberté de ton s’est installée entre mes guides, rapidement devenus des amis, et moi. Nous avons parlé du voile justement alors que pour la plupart d’entre eux il est tout simplement difficile, voire impossible, de comprendre pourquoi il s’agit d’un problème puisqu’ils sont nés et ont été éduqués avec l’obligation dictée par la loi.

Une autre pause thé.
Une autre pause thé.

Nous avons aussi échangé sur les croyances, la religion, la paix, la culture, encore la paix, l’histoire, les rencontres et puis la paix, encore, toujours. Car oui c’est une évidence, j’ai côtoyé un peuple qui souffre de l’image qu’il possède à l’étranger, qui souffre d’être entouré de conflits.

Les fumeurs de chicha
Les fumeurs de chicha

J’ai croisé des centaines de personnes qui étaient fières de me montrer leur Iran, qui étaient heureuses de me montrer que nous pouvions nous promener en toute sécurité à quatre heures du matin, à la sortie de la grande Mosquée de Mashhad, à la recherche d’une glace, car nous avions une petite faim. Nous avons parlé de tout et de rien. Nous avons eu des fous rires incontrôlables, ainsi que des discussions d’une grande profondeur en fumant la chicha après une longue journée de travail et après nous être fait éclater l’estomac en vidant nos assiettes de kebabs.

Joueur de tambour
Joueur de tambour

Je ne peux vous parler de l’Iran que j’ai ressenti sans vous dire tout cela, sans vous expliquer que malgré les différences, j’ai rarement ressenti autant de respect dans tous les échanges que j’ai eus. Je pourrais encore vous parler pendant des heures, de la folie grouillante de Téhéran et de ses millions d’habitants que j’ai découverts sous la pluie et la neige, incroyable en cette saison. J’aurais besoin de plusieurs jours pour décrire la beauté perse d’Ispahan, de ses mosquées bleues et de son pont qui enjambe une rivière qui s’est évanouie dans le réchauffement climatique, il me faudrait quelques jours de plus encore pour vous raconter Shiraz, coincée entre les montagnes, et située à moins de soixante kilomètres de la mythique et superbe Persepolis qui expose ses ruines et ses sculptures monumentales.

Vieilles femmes dans le nord-est de l'Iran
Vieilles femmes dans le nord-est de l’Iran

Je vous ai déjà un peu parlé de Mashhad, une des villes saintes du Chiisme, au cœur de laquelle trône une des plus grandes mosquées au monde, que j’ai pu parcourir de nuit, pendant plusieurs heures, sans que je ne ressente le moindre regard soupçonneux. Je pourrais vous détailler ces visages de l’Iran profond que j’ai croisés au cœur de la campagne non loin du Turkmenistan et à peine plus loin de l’Afghanistan en proie à la guerre. Je devrais enfin vous dire que l’Iran que j’ai observé sur la côte de la mer Caspienne n’avait strictement rien à voir avec tout ce que j’avais vu auparavant. Là-bas tout n’était que luxuriance, rizières à perte de vue et coucher de soleil idyllique.

Oui, je pourrais vous dire tout cela et bien plus encore, mais ce que j’aimerais avant tout, c’est qu’au delà des préjugés, à défaut d’avoir envie d’aller voir sur place par vous-même, vous vous laissiez embarquer par quelques images d’un pays qui mérite mieux que ce qu’on en dit.

A propos de l’auteure

Fille d’un artisan-expert judiciaire, puis chef d’entreprise à mon tour, j’ai décidé de quitter le nid familial pour voler de mes propres ailes. J’ai alors œuvré dans le 1er groupe de presse français pendant 15 années. La filiale dans laquelle je travaillais a fermé ses portes après plus de 40 ans d’existence. D’un malheur est né un rêve. Je me suis alors inscrite dans une célèbre école de journalisme. Et mon diplôme d’attachée de presse en poche… Me voici…

Vous allez découvrir que je suis spontanée, capricieuse, espiègle, malicieuse faut-il croire, rêveuse sûrement, contemplative absolument, timide beaucoup et agaçante semblerait-il, sans aucun doute, pour certains…

Ce sont assurément pour toutes ces raisons, qu’il vaut mieux que j’écrive, c’est encore là que je reste la plus mignonne… Quoique !

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