Henri VIII ou la légende de Barbe Bleue

Publié le 27 avril 2022 - Chroniqueur : Adélaïde

D’Henri VIII, Roi d’Angleterre et d’Irlande entre 1509 et 1547, nous n’avons certainement retenu que la décapitation de deux de ses six épouses. Il a dû librement inspirer Charles Perrault dans son conte de Barbe Bleue. Entre légende et réalité, personnelles ou politiques, ses motivations voire même ses obsessions, aucune ne lui a jamais laissé penser que ses deux filles aînées, devenues illégitimes par sa faute, monteraient un jour sur le trône. La Renaissance est une période passionnante où la France, l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie sont parfois amies, souvent ennemies. Perçu comme un homme cultivé et bien fait de sa personne lorsqu’il est jeune, Henri VIII devient un horrible personnage au fil du temps, tyrannique, repoussant et dangereux. Il sème la zizanie dans son royaume pour le cœur d’une femme, va jusqu’à changer la religion de son pays et être à l’origine de la persécution d’une partie de son peuple par amour pour elle.

Le contexte

La France et l’Angleterre ne s’entendaient pas, ennemies depuis toujours. Il faut dire que la Renaissance est une époque flamboyante mais violente. François 1er a du pouvoir. Il est ambitieux. La France brille. Henri VIII, roi d’Angleterre est plutôt fauché et le déteste. Il a clairement les boules car il se sait en danger devant la soif conquérante du roi français. Henri est un homme arrogant qui n’aurait pas dû être roi d’ailleurs. C’est son frère ainé Arthur qui devait régner mais il est emporté par une tuberculose à l’âge de 15 ans.

François Ier
François Ier

François 1er se met l’Europe à dos en attaquant tout ce qui bouge notamment l’Italie, la Flandre, la Bourgogne, l’Artois. François se fout d’Henri et même de Charles Quint qui lui donnera d’ailleurs, en 1525, une bonne leçon en le capturant, en l’échangeant contre ses deux héritiers mâles et une rançon colossale avant de le libérer 18 mois après. Ses enfants de 7 et 9 ans souffrent, car ils vivent dans des conditions difficiles et seront libérés environ après 5 ans de détention.

Bref, les trois hommes se haïssent viscéralement.

L’Angleterre sait que la « très catholique Espagne » est riche grâce à la découverte de l’Amérique en 1492, que l’Espagne est devenue invincible grâce à sa flotte et qu’elle est très proche du Pape. L’empereur Charles Quint est donc l’homme le plus puissant du moment.

Pendant ce temps en Allemagne, Martin Luther, Théologien, réforme l’église catholique et initie le protestantisme. Il veut plus de rigueur. Il professe un peu partout, en France, en Espagne, en Angleterre et casse les pieds aux deux Rois et à l’Empereur… Des clans se forment dans tous les pays. Catholiques contre Protestants. Protestants contre Catholiques.

Voici donc le contexte de l’histoire amoureuse d’Henri VIII, l’homme aux six épouses.

  1. Catherine d’Aragon

Catherine d'Aragon
Catherine d’Aragon

Belle association avec l’Espagne mais compliquée quand même ! En 1501, le mariage arrangé entre Arthur Tudor et Catherine d’Aragon est fait pour protéger l’Angleterre de la France, même s’il ne dure que quelques semaines à cause du décès prématuré d’Arthur. Il faut absolument prouver que Catherine est toujours vierge au décès de son époux. Elle le dit mais il faut tout de même le justifier grâce au Pape Jules II (lié à la famille de l’Infante). Il délivre une dispense afin qu’elle puisse épouser Henri (vrai ou faux, personne n’en avait la preuve et cela arrangeait tout le monde). Henri fait, semblerait-il, un mariage d’amour avec sa belle-sœur en 1509 et s’assure du soutien de la plus grande puissance de l’époque. Qui dit, « très catholique Espagne », dit soutien du Vatican et donc du très très puissant Pape !

Catherine donne 7 enfants à Henri (dont trois garçons). Une seule survivra : Mary ! L’obsession d’Henri est d’avoir un héritier mâle. C’est toujours la loi phallique qui est en place.

  1. Anne Boleyn

A l’époque, il est courant de placer une jeune fille de bonne famille comme maîtresse du roi. Cela permet d’obtenir des titres, des terres, des nominations (des jobs si vous préférez) et donc des revenus et du pouvoir (c’est plutôt un système de survie à l’époque voire une tradition).

C’est comme ça que la famille Boleyn entre dans la danse. Mary, la sœur aînée d’Anne est envoyée en France où elle a une relation avec François 1er. Ayant eu plusieurs aventures avec des messieurs de la cour, elle est renvoyée en Angleterre. De retour, elle devient Dame de Compagnie de Catherine d’Aragon. Mary se voit contrainte de se marier avec un riche courtisan, histoire de calmer ses ardeurs. Qu’à cela ne tienne, elle a une brève liaison avec Henri VIII. Mais le roi n’est pas amoureux. La famille avance comme un point l’autre sœur, Anne.

Anne Boleyn
Anne Boleyn

Anne est plus ambitieuse que sa sœur. Elle tire des conséquences de l’aventure de sa frangine et refuse les avances du roi. Elle sait qu’il est un grand consommateur de femmes, et plus elle le repousse, plus il tombe amoureux d’elle. L’envie d’annuler son mariage avec Catherine germe dans l’esprit d’Henri lorsqu’Anne lui dit « qu’elle préfère perdre la vie que son honnêteté ! ». N’en pouvant plus, il demande l’annulation de son mariage à Rome en 1527.

Ce n’est pas facile avec le Vatican et ça s’éternise. En 1531, Henri en a assez, et vire Catherine. Il donne ses appartements à Anne et la couvre de cadeaux. Il en est fou, il veut l’épouser à tout prix !

Charles Quint (le neveu de Catherine d’Aragon) capture le nouveau pape (Clément VII) pour qu’il refuse de donner cette fameuse annulation, malgré la dispense délivrée quelques années auparavant par son prédécesseur. Il faut rester crédible et ne pas perdre la face. Les Luthériens (protestants) en ont profité pour monter au créneau, décrédibiliser le pape captif et le faire passer un baltringue.

Et ça fonctionne ! Henri est menacé par le Pape d’être excommunié. C’est intolérable ! Son choix est fait : ce sera Anne, un point c’est tout. Henri arrive à faire nommer un nouvel archevêque catholique (sans que le Pape ne se doute de quoique ce soit). Henri et Anne se marient en secret en 1532. En 1533, une nouvelle cérémonie a lieu, plus officielle celle-ci. Elle est enceinte de toute façon et accouche d’une petite Élisabeth. Le Roi est déçu mais pense toujours qu’elle peut lui donner un héritier.

Évidemment l’église catholique ne se laisse pas faire. Anne est très sensible au protestantisme. Elle souffle au nouveau ministre l’idée révolutionnaire de faire d’Henri le Chef Suprême de l’Église d’Angleterre car Henri ne peut en aucun cas être excommunié. Chez les Rois, ça ne se fait pas puisqu’il détienne leur pouvoir de droit divin ! Henri devient donc protestant et dégage le Vatican.

Anne n’est pas une femme soumise mais elle fait tout pour ne pas perdre son mari et essaie à nouveau de tomber enceinte. Elle n’y arrive pas. Sous la pression de son époux, elle fait grossesses nerveuses et fausse-couche. Henri est certain qu’elle n’arrivera pas à lui donner l’héritier dont il a besoin et commence à vouloir se débarrasser d’elle. Intelligente, Anne sent le vent tourné, et fait tout pour s’en sortir.

Anne Boleyn
Anne Boleyn

Le jour des funérailles de Catherine d’Aragon, le 29 janvier 1536, Anne donne naissance à un petit garçon mort-né. Henri est furieux. C’est un signe de Dieu selon lui ! Il ne peut pas encore répudier son épouse, comme il l’a fait avec Catherine, ça ferait mauvais effet… Anne le devine et cherche des alliances autours d’elle mais elle a de nombreux ennemis. A cause d’elle et de son idée de devenir protestant, Henri VIII a persécuté et massacré des catholiques en masse dans son royaume (compris en Irlande). Anne est haïe et n’a plus aucun soutien.

Après ses relevailles, ses détracteurs organisent sa chute et l’accusent d’adultère et d’inceste avec son propre frère. Les cinq pseudo amants d’Anne sont exécutés le 17 mai 1536. Elle sera décapitée deux jours après.

Élisabeth leur fille, est alors déclarée illégitime comme sa demi-sœur Mary (la fille d’Henri et de Catherine).

  1. Jeanne Seymour

Jeanne Seymour
Jeanne Seymour

Le lendemain de la mort d’Anne, Henri se fiance à Jeanne Seymour, l’une des dames de compagnie de sa défunte épouse et se marie une dizaine de jours après. Elle lui donne un fils Édouard en 1537 mais meurt en couche. Henri est triste, mais son rêve est exaucé, il a enfin un garçon, un héritier ! Mais un Roi ne peut pas en reste là. A l’époque la mortalité infantile est importante… Il décide de se remarier…

  1. Anne de Clèves

Anne de Clèves
Anne de Clèves

Le 06 janvier 1540 le mariage avec Anne de Clèves est un accord politique pour éviter d’avoir trop de galères avec les catholiques et calmer un peu le jeu. Henri VIII n’est pas vraiment emballé. Elle ne plaît pas beaucoup à l’amateur de femmes qu’il est, mais pour une fois, il accepte d’écouter ses conseillers. Ça ne marche pas très bien entre eux. Henri décide d’annuler le mariage et surtout Anne ne s’y oppose pas (elle est intelligente). Elle est récompensée de son obéissance par des propriétés et un titre bien sympa « Sœur aimée du Roi ».

  1. Catherine Howard

Catherine Howard
Catherine Howard

Henri est content d’épouser une petite jeune. Elle va pouvoir procréer à nouveau ! Catherine Howard a 18 ans environ (30 ans de moins que lui). Mais la demoiselle a une aventure avec un courtisan Thomas Culpeper, puis avec Francis Dereham, son fiancé juste avant son mariage avec le Roi. Les boules !!! Le passé d’Henri n’a pas servi de leçon à Catherine Howard : Thomas est décapité et Francis est pendu, éviscéré et démembré en 1541. Elle est décapitée en 1542.

  1. Catherine Parr

Catherine Parr
Catherine Parr

Même si les espoirs d’avoir un autre héritier semble réduits à néant, Henri se remarie avec la très fortunée Catherine Parr. Elle est la dernière épouse d’Henri VIII. C’est celle qui s’en sort le mieux aussi, car lorsqu’elle l’épouse, il a 51 ans, pèse 178kg, et est très malade : il aurait la goutte, du diabète, des furoncles, des problèmes endocriniens et bien d’autres troubles à priori. Il décède en 1547 à 55 ans. Assez rapidement après la mort d’Henri, elle épouse avec Thomas Seymour, l’oncle d’Édouard VI (fils d’Henri et de Jeanne Seymour) et s’occupe d’Élisabeth.

Sa succession

 

Édouard VI
Édouard VI

Évidemment avant sa mort, Henri VIII a œuvré pour que ce soit son seul fils légitime qui règne. Édouard VI est couronné à 9 ans en 1547 à la mort de son père. Il se retrouve à la tête de l’Angleterre et de l’Irlande, mais il décède à 16 ans, comme Arthur, d’une tuberculose. Cela dit, Édouard (ou la régence) rédige une lettre patente excluant Mary et Élisabeth de la succession et nommant Jeanne Grey, sa cousine en tant que successeur direct. Or, lors de son mariage avec Catherine Parr, Henri VIII rédige un troisième acte de succession (il y en avait déjà eu deux pour rendre ses deux filles illégitimes) réintégrant ses deux filles dans l’ordre d’accession au trône sous certaines conditions. Puis en 1547, quelques mois avant son décès, Henri rajoute une clause : « L’Acte de Trahison ». Cet acte stipule que toute personne interrompant l’ordre de succession du trône selon le troisième acte, sera coupable de haute trahison. Ainsi Jeanne Grey est exclue.

Mary Ière
Mary Ière

N’ayant plus de fils légitime, c’est Mary 1ère (fille d’Henri VIII et de Catherine d’Aragon) qui prend le pouvoir en 1553. Elle est sommée de devenir calviniste mais en mémoire de sa mère catholique, elle refuse. Elle impose sa religion dans un pays protestant et est surnommée Bloody Mary à cause de ses persécutions violentes contre les luthériens. Malade d’un kyste ovarien ou d’un cancer du col de l’utérus, elle décède en 1558.

 

Élisabeth Ière
Élisabeth Ière

Enfin, c’est la dernière des Tudor, Élisabeth 1ère, fille d’Henry VIII et d’Anne Boleyn qui lui succède. Elle règne pendant 44 ans sans jamais se marier. Surnommée la « Reine vierge », elle refuse tout mariage pour ne pas devenir reine consort et garder son pouvoir qu’elle aurait été obligée de donner à son époux. Pour survivre, elle doit cependant lutter contre Marie Stuart, sa cousine, elle aussi dans l’ordre de succession au trône de l’Angleterre, car ancienne Reine de France et surtout Reine d’Écosse… Elles se livreront une guerre sans merci… Mais ça, c’est une autre histoire…

 

A propos de l’auteure

Fille d’un artisan-expert judiciaire, puis chef d’entreprise à mon tour, j’ai décidé de quitter le nid familial pour voler de mes propres ailes. J’ai alors œuvré dans le 1er groupe de presse français pendant 15 années. La filiale dans laquelle je travaillais a fermé ses portes après plus de 40 ans d’existence. D’un malheur est né un rêve. Je me suis alors inscrite dans une célèbre école de journalisme. Et mon diplôme d’attachée de presse en poche… Me voici…

Vous allez découvrir que je suis spontanée, capricieuse, espiègle, malicieuse faut-il croire, rêveuse sûrement, contemplative absolument, timide beaucoup et agaçante semblerait-il, sans aucun doute, pour certains…

Ce sont assurément pour toutes ces raisons, qu’il vaut mieux que j’écrive, c’est encore là que je reste la plus mignonne… Quoique !

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